10-17 novembre : bilan d’une semaine de malfaisance

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La dernière semaine a été particulièrement agitée – et de bonne augure – pour nous autres qui avons à coeur de désarmer l’ « association de malfaiteurs », afin qu’elle ne serve plus jamais à réprimer les luttes. Retour sur les dernières nouvelles.

En bref : le 10 novembre avaient lieu les premiers bal des malfaiteurs partout en France. Le 13 novembre le Tribunal de Bar-le-Duc rendait un délibéré scandaleux pour un procès qui ne l’était pas moins. Le 14 novembre au matin, une audience se déroulait en cassation pour la levée des contrôles judiciaires des mis.es en examen ; puis, le 14 au soir, nous assistions à la première séance du séminaire « penser et lutter avec Bure » à l’EHESS. Le 15 novembre, la une de Libé a offert un regain de visibilité au scandale de la répression à Bure. Et, enfin, nous apprenons la mise en ligne d’une série de videos intitulées « paroles de malfaiteur-e-s ».

C’est tout ces fils sur lesquels il nous faut revenir, pour les tisser ensemble, pour qu’il ne s’agisse pas de soubresauts isolés mais bien d’un rapport de force qui renaît. Dans les fêtes, dans les séminaires universitaire, dans la presse, dans les tribunaux, partout le même mot d’ordre : halte au scandale de la répression !

1) Inventaire hypnotique des fêtes du 10 novembre

Non je ne me souviens plus
du nom du bal perdu.
Ce dont je me souviens
c’est qu’ils étaient heureux
Les yeux au fond des yeux.
Et c’était bien…

Voilà longtemps longtemps qu’un peu partout on voulait faire quelque chose pour Bure. Quelque chose qui nous sorte de la sinistrose. Quelque chose de beau.

Parce que le Roy et le sien Procurateur voulaient nous enfermer dans la peur et la solitude, on s’est dit qu’il fallait se retrouver et danser. Parce qu’ils voulaient nous diviser, un peu partout ce soir là on s’est pris dans les bras. Et pour pas se taire, on a chanté.

Et c’était bien !

Collection d’instants magiques aux six coins du Royaume atomique (et au-delà)

On a recensé au moins 20 bals des malfaiteurs et un « bal des mal foutus » : parce qu’il y en a qui ne font jamais rien comme les autres, et on les aime.

En Aveyron, on a préféré pique-niquer sur le chantier éolien de Crassous, et on remet ça le 17 novembre ! A Lons-le-Saunier on a craché du feu pour réchauffer le cœur des mis en examen. A Montélimar on a déposé des gerbes devant la mairie pour enterrer le nucléaire et son monde. A Tarnac on a mis aux enchères des bouts du mur de l’Andra. D’ailleurs, celui de La Plaine, il est toujours debout ?

A Bourges on a été plutôt folk. A Nantes on a dansé au son de la batucada. A Paris, on a mis toujours plus de basses, mais on a aussi projeté des tableaux de Bruegel aux murs du squat. Eh ouais !

Partout il y avait des tisanes, des vins chauds, des compotes, des gâteaux, des soupes miraculeuses.

Partout de la pluie mais on s’en est (mal)foutus !

Sauf à Bamako, on a eu chaud.

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Les bals ont suscité des adhésions massives et unanimes à l’association de malfaiteurs. 20€ par ci, 1000€ par là… Ca n’est pas à ça qu’on juge de la réussite d’une soirée ; il n’empêche que ça ne sera pas de trop pour financer cette longue procédure qui attend les mis.es en examen. Alors merci à toutes et celles et ceux qui ont récolté de l’argent pour l’envoyer à l’antirep de Bure (c’est-à-dire à l’association Cacendr, par chèque ou virement).

Prochains rendez-vous :

  • un « pique-nique des malfaiteurs » à l’Amassada 17 novembre
  • un bal à Montélimar le 1er décembre à 10h au marché (et peut-être le 14, infos à suivre)
  • un à Nixeville (près de Verdun) le 15 décembre à 20h30 à la sale des fêtes

2) Regain d’attention et de visibilité

La bombe (atomique) de Libé

Le 15 décembre, la une de Libération titrait « Bure : le zêle nucléaire de la justice ». Au coeur de l’investigation : le mystérieux accès de la rédaction au fameux dossier de 10 000 pages, pourtant couvert par le secret d’instruction. Personne n’en connaît l’origine, mais une fuite interne semble l’hypothèse la plus probable. De là à dire qu’au coeur même de l’institution judiciaire il n’existe pas de consensus sur l’utilisation de l’attirail anti-terroriste contre des militants et des militantes, il n’y a qu’un pas…

Les informations qui ont fuité donnent le vertige. Des milliers de conversations téléphoniques écoutées. Des poses de balises sous des voitures. L’usage des « imsi-catchers » pour récolter toutes les données téléphoniques d’une zone donnée (lors de manifestations, mais aussi lors de procès!). Des centaines de saisie d’ordinateurs, téléphones, disques durs et clefs usb au fil des 23 perquisitions de l’année écoulée. Des géolocalisations de téléphones. Une tentative de sonorisation de la Maison de Résistance à Bure. Des dizaines d’expertises informatiques et ADN (parfois menées sur des sous-vêtements confisqués en garde-à-vue). On en passe…

Défaire la criminalisation à Bure pour protéger toutes les autres luttes

Mais quatre pages dans la presse et une journée d’indignation ne doivent pas suffir à flatter la bonne conscience de tout un chacun. Il n’est tout simplement pas question pour nous de passer à autre chose ! La réalité, c’est que l’extension des « techniques spéciales d’investigation » permises par la loi de juin 2016 est en passe d’être appliquée à toutes les résistances politiques. Aujourd’hui Bure et demain ? les autres territoires en lutte ? les conflits sociaux ? la solidarité avec les migrants et les migrantes ?

La suite continue : le 13 novembre, 6 antifascistes de Lyon étaient perquisitionnés, placés en GAV sous l’incrimination de « dégradations », « outrage » et, coucou la revoilà, « d’association de malfaiteurs » pour avoir… muré le local des fascistes du Bastion Social en avril dernier.

Il est plus que nécessaire d’amplifier le mouvement de dénonciation de l’instruction menée à Bure. Reserrer nos liens dans des bals, solliciter inlassablement tous les différents milieux pour ne pas les laisser fermer les yeux, mettre à contribution le monde universitaire, rejoindre les comités de lutte anti-Cigéo : tout cela est nécessaire pour ne pas laisser le soufflé retomber, et concocter au contraire un bien biau gâteau !

Nous qui nous sommes jurés de n’être pas les prochain.es, nous sommes fermement décidé.es à y contribuer par tous les moyens possibles.

3) Sus aux CJ !

La peine c’est la procédure…

Au registre des coups bas infligés par l’Etat nucléaire à un mouvement de lutte vieux de 25 ans pour tenter de l’endiguer, les « contrôles judiciaires » constituent l’un des dispositifs le plus pervers. Ce panel d’interdictions imposées aux mis.es en examen (ne pas se rendre dans une zone donnée, ne pas entrer en contact avec certaines personnes, ne pas quitter le territoire national…) n’est d’ailleurs pas un à-côté du dossier, lequel demeure bien vide sur les faits reprochés, si l’on en croit Libé : il est au coeur même du processus répressif.

« La peine c’est la procédure » titrait déjà un article du 28 juin, paru sur le blog vmc.camp. Dès lors que 10 personnes sont interdite de communiquer, l’organisation du moindre événement, fût-il déclaré et festif, tient de la gageure. Plusieurs associations (dont le Réseau Sortir du Nucléaire) ne peuvent même plus légalement tenir de séance plénière, puisque plusieurs de leurs membres sont visés…

Des amitiés mises sous scellées

Le risque qui plane sur nous est cependant de considérer ces mots de « contrôle judiciaire » comme une notion abstraite, comme un combat qui peut attendre. La réalité, c’est que derrière les atteintes à la liberté de réunion et d’association, ce sont des vies humaines qui sont mutilées, des amitiés qui sont mises sous scellés – pour 6 mois? 1 an? 10 ans?. Il y a de la chair sous les mots : c’est le message que nous rappelle la chaîne « Parole de malfaiteur-e-s » dont les premières videos viennent de nous être envoyées.

Voir ici les interviews d’Angèle, Chloé et Joël et Pivoine.

Le 14 novembre, la cour de cassation a examiné la demande de levée des CJ de 5 des mis.es en examen : le délibéré est prévu le 28 novembre. Une pierre a été jetée dans le marécage du contrôle policier et judiciaire, et il est impératif que nous ne laissions pas s’en tarir les ondes de choc. Le 16 novembre, David Cormand, secrétaire national d’EELV, réagissait à la une de Libération et demandait explicitement, au micro de France Info, la levée des contrôles judificaires des mis.es en examen.

Continuons ce début : soyons des milliers à l’exiger publiquement.

4) Un séminaire sème les graines de la résistance

Ce même 14 novembre se tenait à l’EHESS la première séance du séminaire Penser et Lutter avec Bure. « Intensifier les porosités entre les mondes de « l’université » et « des luttes », que l’on voudrait voir étanches », « créer un espace où reformuler une critique radicale de l’ordre atomique », « être rigoureu·se·s et exigeant·e·s dans nos réflexions, sans transiger pour autant sur notre volonté d’inclusion et d’accessibilité », « interpeller les chercheur·e·s des sciences humaines et dites « dures » dans leur responsabilité à s’engager dans une critique plus active face à ce projet démentiel » : telles sont les hautes et salutaires ambitions que se donne ce séminaire mensuel.

Pari tenu pour cette première séance qui a rassemblé une bonne soixantaine de personnes autour du thème (de circonstance en cette journée de jugement en cassation!) du « gouvernement de la contestation » par l’Etat nucléaire. Plusieurs stratégies mises en place à Bure, tantôt l’une après l’autre et tantôt simultanément, ont ainsi été dévoilées, décortiquées, illustrées et mises en perspectives sur 25 ans de résistance :

  • faire participer pour faire accepter, à travers la mise en scène des différents débats publics
  • miser sur le temps long. Accoutumer les riverains dès l’enfance, par des visites scolaires, à la présence du nucléaire autour d’eux.
  • mettre à contribution des sociologues experts de l’acceptabilité pour déjouer par avance la contestation
  • quand tout cela ne suffit pas, réprimer violemment, comme on le voit avec l’instruction en cours, qui a été présentée par l’un des mis en examen.

Un résumé plus détaillé des différentes interventions du séminaire sera mis en ligne sur le site de Penser et Lutter avec Bure.

Prochaine séance le 11 décembre à 18h : Femmes, féminismes et luttes anti-nucléaires. La salle exacte sera précisée plus tard dans notre agenda et sur le blog du séminaire.

5) Pendant ce temps, le tribunal de Bar le Duc continue ses basses oeuvres

Il y a bel et bien deux tempos judiciaires à Bure : le harcèlement de fond de toutes celles et ceux qui luttent sur place d’une part, et d’autre part le méta-dossier de l’association de malfaiteurs. Les deux n’étant d’ailleurs pas sans lien, puisqu’il existe de forts soupçons que les scellés de l’instruction servent de temps à autre à alimenter des affaires courantes…

Bref, pendant que certain.es féraillent contre les élucubrations du juge d’instruction Kevin Le Fur et les contrôles judiciaires qui les accompagnent, le procureur Olivier Glady, lui, continue la sale besogne d’une « répression de basse intensité », faite de procès pour outrage et/ou rébellion. Depuis le début de l’année 2018, ce sont ainsi plusieurs dizaines de personnes qui sont passées sur le banc des accusées. Les chefs d’inculpation sont souvent mineurs mais suffisent à distribuer ici quelques mois de sursis, là un an ou deux d’interdiction de territoire. Désorganiser, éloigner, saper le moral, entretenir la tension et la peur : tels sont les objectifs affichés de cette stratégie répressive.

Ces audiences fleuve, qui voient le tribunal entièrement réservé au cas de Bure et les antinucléaires jugé.es par treize à la douzaine, se déroulent à chaque fois dans un contexte tendu. Dès l’entrée, les rangées de gendarmes mobiles disposées entre les colonnades du hall donnent le ton.

C’est donc avec toute cela à l’esprit que, le 13 novembre, nous avons accueilli avec des sentiments mêlés de soulagement et de révolte les délibérés des procès du 16 octobre. Le soulagement, de voir que plusieurs militant.es (dont l’un avait été jugé sans en avoir été averti et sans avoir pu désigner d’avocat!) s’en sortent avec une relaxe ou de simples amendes. Et de constater que, au contraire des habitudes prises depuis un an, aucune peine d’interdiction de territoire n’a été donnée.

La révolte, toutefois de constater que l’on pouvait condamner quelqu’un à de la prison ferme au seul motif d’un outrage. Et à des peines de sursis générales pour d’autres outrages. Qui sont uniquement le résultat de la militarisation générale du territoire : il faudra bien dans les temps à venir faire aussi tomber cette stratégie de tension locale.

Bilan de la semaine :

Un premier coin a été enfoncé dans l’édifice répressif qui menace Bure. Que disait la chanson? Si nous tirons tous il tombera, ça ne peut plus durer comme ça : il faut qu’il tombe, tombe, tombe ! Vois-tu comme il penche déjà?

Au plaisir de vous lire sur noussommestousdesmalfaiteurs(at)riseup.net


Pour soutenir financièrement la lutte contre la répression à Bure, donnez à Cacendr !

Et pour rejoindre un comité de lutte près de chez vous, vous pouvez en consulter la liste ici.