A Toulouse aussi, la très gazeuse « association de malfaiteurs » sert à réprimer les luttes. Davantage que d’un délit caractérisé ou même caractérisable (le fameux « en l’espèce….. » des tribunaux), il s’agit avant tout d’une machine à surveiller, perquisitionner, séparer et terroriser.
Nous reproduisons ci-dessous un article paru sur « Malfaiteurs, associons-nous », blog de soutien à R., actuellement en détention provisoire.
MàJ : suite à l’audience du 17 mai, R. a été maintenu en détention provisoire.
Depuis plus de six mois, chaque manifestation de gilets jaunes commencent bien avant l’heure de rendez-vous : contrôles d’identité, arrestation préventive, communication anxiogène et arrêtés municipaux préparent leurs terrains répréssifs.
C’est dans ce contexte que R. se fait contrôler prés du lieu de manifestation : peu importe l’intention d’y aller ou non, l’arrêté préfectoral autorise contrôles et fouilles dans le périmètre. Le 2 février, suite à un de ces contrôles, R. finit en garde à vue puis en prison pour “association de malfaiteurs”. La justice ne s’embarasse pas de faits ou d’associés : les éléments à charge sont quelques clés en sa possession : allen, ptt et torx ainsi qu’une appartenance supposée à la mouvance anarchiste et/ou “ultragauche”. On comprend alors que c’est grossièrement l’ensemble des évènements des derniers mois qu’ils essaient de lui imputer : flics, procs et juges ont ici un épouvantail idéal.
D’autant plus que le délit d’ “association de malfaiteurs” permet d’étendre les moyens de surveillance et d’enquête dont disposes les pandores. A Toulouse, c’est d’ailleurs dans ce cadre que plusieurs enquêtes sont ouvertes concernant le mouvement gilet jaune
Alors que le pouvoir chancèle, bien incapable de tirer sa légitimité autrement que par la violence de la répression, le pouvoir s’attaque à ses opposants. Nombre de qualificatifs sur le mouvement sortent petit à petit dans les médias. Selon les semaines, c’est soit un mouvement dirigé par l’ “ultradroite”, soit un élan noyauté par l’ultragauche ou encore un repère de casseurs professionnels, parfois tout ça en même temps. Depuis quelques semaines c’est même carrément l’ensemble des manifestations qui sont prises pour cible. Le but de cette manoeuvre ? Décrédibiliser la portée révolutionnaire d’un mouvement large, multiple divers et solidaire. Décrédibiliser en insinuant que les gilets jaunes sont manipulés, trop idiots pour savoir quand, pourquoi et comment lutter. En utilisant des mots-valises, le pouvoir tente de nommer quelque chose qui lui échappe afin de diviser les gens qui ne se reconnaissent pas dans ces catégories vides de sens.
En effet, cette force qui se lève depuis maintenant presque six mois, ne peut exister pour le pouvoir que comme une pratique ultra, comme une manipulation politique. Il ne peut admettre qu’une part grandissante de la population souhaite sa chute, rêve de révolution, bien déterminé à la faire advenir. Les foules présentes sur les Champs Elysées le samedi 16 mars en sont un exemple éloquent. Il n’y a pas de casseurs ou d’ultragauche, il y a une foule déterminée à faire tomber le régime.
Et il faut bien l’avouer, si rêver d’une vie libéré des contraintes du capitalisme et de l’état fait de nous des malfaiteurs, des criminels ou des bandits, alors nous en sommes; si ce qu’on nous reproche ce sont des ententes, des complicités ou des associations alors nous les revendiquons fièrement.
Du coup, débordé et à la masse, peinant à comprendre ce qui lui fait front, le pouvoir se rabat sur celles et ceux qu’ils connaît déjà, déjà fichées depuis des années.
Nous vivons ensemble, tissons des liens et des amitiés, nous organisons pour, à la hauteur de nos moyens, contrer le désastre vers lequel court le monde actuel. Nous lisons des livres, des journeaux des tracts et des brochures, en écrivons, en distribuons, réfléchissons ensemble à l’état du monde qui nous entoure et à la manière de hâter sa chute. Nous rencontrons d’autres révoltées, construisons nos propres outils de communication et d’organisation, bâtissons des solidarités loin des quotidiens mornes, moroses et isolés auxquels nous assignent les institutions.
Et c’est bien ce qui nous est reproché.
Depuis le début de ce mouvement plusieurs domiciles, lieux de vie, de passage et d’accueil auront donc été la cible de perquisitions, parfois menées sous cette inculpation d’association de malfaiteurs.
On ne s’étalera pas ici sur la violence d’un brusque réveil aux aurores, braqué par des policiers encagoulés, ou sur les pertes matérielles qu’il induit; ni sur les heures d’audition en Garde à Vue, les pressions psychologiques, les questions insidieuses et pernicieuses qu’ils peuvent poser.
Cambriolage et prise d’otage sont les armes que déploie le pouvoir pour museler, intimider, briser les dynamiques.
Les opérations qu’ils mènent sont loin de concerner seulement les personnes qui en font directement les frais.
La stratégie est bien connue, en frapper un pour en effrayer cent. C’est tout un mouvement qui, derrière ces grotesques opérations, est en fait attaqué. Les mouvements antagonistes, le mouvement des gilets jaunes, ceux qui luttent, prenant rues et ronds points chaque semaine. Ces voix et ces corps qui n’en peuvent plus de courber l’échine face aux brimades, au mépris, à l’exploitation quotidienne, à l’ennui, aux violences, au désastre en cours. Ces voix et ces corps qui ne se tairont plus, qui ne se terreront plus.
Pour R. et ses amies, comme pour tous les autres, la peine, elle, court déjà.
Chaque jour, chaque semaine, chaque mois qui passe, voit se multiplier le nombre d’otages que l’état fait parmi ceux qui lui résiste. Rien qu’à Toulouse plus de 50 Gilets Jaunes ont connus les hauts murs de Seysses. Les prisons sont pleines à craquer, on planifie donc d’en construire de nouvelles. Sous les traits de la démocratie la justice nous traite en ennemi, dévoilant ainsi sa nature véritable : elle n’est qu’un instrument de plus entre les mains des puissants, un instrument dont la fonction saute aux yeux, tout faire pour que rien ne change, garantir l’ordre établi et ses privilégiés.
La violence que déploie aujourd’hui le pouvoir pour se défendre vient dévoiler la brutalité que nous subissons au quotidien : mépris, exploitation, boulots de merde, loyers démesurés, crédit à vie et vice-versa.
Ce sont ces conditions d’existence face auxquelles nous sommes des dizaines de milliers à crier nos rages.
Et pour ceux qui nous exploitent, pas question de lâcher, ils ont un monde de privilèges à défendre, ils font leur beurre sur notre dos et ont des armes policières et juridiques pour continuer à le faire. Nous avons nos liens et nos rencontres, nos désirs de liberté, nos corps et nos voix.
Nous ne céderons pas à la terreur ; quoi qu’en dise Macron et ceux qu’il défend, quoi qu’en disent ceux qui le défendent. Ils interdisent les manifestations, menace d’envoyer la troupe, multiplient les lois liberticides, blessent, tabassent, enferment à tour de bras, mais nous ne plierons pas; loin de nous intimider ces mesures ne font qu’accroître colères et déterminations.
L’offensive est de taille et nous ne pouvons les laisser faire. Après l’ultra gauche, puis les ultra jaunes, c’est désormais la possibilité même de manifester qui est attaquée. Journalistes, syndicalistes, médics, manifestant.e.s, émeutier.e.s, tout le monde y passe. Face à cette banalisation et à ce durcissement de la répression, dans la rue comme aux tribunaux, amplifions les luttes, multiplions les solidarités.
Le 17 mai aura lieu l’audience de renouvellement de la détention de R. Ne le laissons pas seul.
Nous appellons donc toutes les personnes et groupes touchées par la situation à soutenir R et tous les enfermé.e.s, à relayer cet appel, à faire vivre la solidarité, avec les pratiques qui sont les leurs.
La justice ne fait que son sale travail, nous comptons bien la combattre et non la réformer.
Liberté pour tous.tes,
Des proches de R.