« Ça a été la phrase de trop »

Le 20 juin 2018, j’ai fait partie des personnes qui se sont faites perquisitionnées. C’est suite à cette perquisition que j’ai écris ce témoignage. Je le complète aujourd’hui, 16 mai 2021, pour continuer de faire entendre que remettre en question le nucléaire relève de la résistance, d’un acte désintéressé et consciencieux.

Et que c’est un grossier raccourci que d’inscrire ces démarches sous l’appellation « association de malfaiteurs ».

Dans le cadre de cette perquisition, mon ordinateur portable a été saisi. Je travaille en collège et lycée et cet ordi était mon outil de travail. Chose que j’ai dit à plusieurs reprises aux gendarmes. Alors, ils ont réussi à me rassurer en me disant que je n’étais «que » témoin assisté, que je n’étais pas mise en cause directement et que je pourrais récupérer mon ordinateur dans la semaine. Ce qui aurait d’ailleurs dû être vrai.

Alors voilà, avec la tentative de récupération de mon ordinateur, le déroulement concret de ce que je considère comme de l’abus de pouvoir.

J’ai donc suivi la procédure dite « légale » pour récupérer mon ordinateur : demande de restitution de scellés. Rejetée 1 mois après. Alors je fais appel. Renvoie en cours d’appel le 10 août. Courrier le 27 août qui m’annonce que mon dossier sera traité en cours d’appel le 27 septembre. (Je compte en tout sur cette période une dizaine de visites au tribunal au bureau de Me Lefur) Et le 27 septembre arrive, je n’ai pas le droit de m’y présenter (enfin de ce qu’on m’a dit à la cour d’appel). Le 1er octobre, coup de fil de Mr Opigez qui me convoque à la gendarmerie le jour même :

– Mais c’est à quel sujet ?

– Vous avez fait une demande de restitution de scellés ? Et bien c’est pour ça, vous devez signer un papier. »

Je m’y rends le lendemain, à 14h.

La 1ère audition, celle du 20 juin avait été pénible car longue et laborieuse pour le gendarme qui me posait les questions, sans vraiment connaître le dossier, et leurs propos oscillaient entre « mais ne vous inquiétez pas vous êtes juste témoin assisté » et « si vous êtes là c’est bien que vous avez des choses à vous reprocher et que vous êtes responsable ».

La deuxième fût plus « cynique ». Les gendarmes sont arrivés avec 20 mn de retard, sans excuse et il aurait presque fallut que je me sente coupable dès le début : « On n’a eu que le temps de manger un sandwich ! ». Installation, petites blagues entre collègues devant moi, on sort le dossier qui me concerne. « Tu l’as toi la liste des scellés qu’il faut qu’on lui montre et qu’elle signe ? – Non ? – Tu l’as pas prise ? – Si elle était dans le dossier je suis sûre mais elle n’y est plus ! » Ils appellent un collège pour que ce dernier l’envoie par mail et ils commencent à me poser quelques questions. La première :

« – Il faut que vous nous donniez votre mot de passe d’ordi, c’est pour ça que vous n’avez pas encore pu le récupérer.

– Si je l’ai donné. D’ailleurs c’est écrit sur le petit papier rose accroché au scellé de mon ordi : je n’ai pas de mot de passe

– Ça m’étonnerait, on ne vous aurait pas convoqué sinon

– Je vous dis que j’en suis pratiquement sûre, et j’ai écrit dans ma demande de récupération de scellé et dans mon mémoire pour la cour d’appel que je n’ai pas de mot de passe, et si vous aviez allumé l’ordi vous vous en seriez rendu compte.

– Ah non, alors ça ce n’est pas possible. Bon je note « pas de mot de passe », et en attendant la liste de vos scellés, on va juste vous posez quelques questions. »

Et là, ça commence à se transformer en une deuxième audition, mais beaucoup moins sympa malgré leurs airs détendus, et avec des petites phrases piques telles que :

« Si vous ne dénoncez pas les casseurs, c’est vous qui prendrez »

« Vous savez, nous ça ne nous fait pas plaisir de faire ça, on préfèrerait être avec nos familles. » « Vous savez, si vous ne nous donnez pas de réponse on peut vous garder en garde-à-vue. » « Vous savez, pour ce que vous avez fait, en Turquie vous seriez déjà en prison. »

Ça a été la phrase de trop après laquelle j’ai décidé de partir. Le papier que je devais signer n’était toujours pas arrivé, j’avais vraiment l’impression de m’être fait complètement avoir, car ils avaient quand même réussi à m’extirper quelques réponses au départ, quand j’étais « détendue » et surtout peu méfiante. Et quand je leur ai demandé : « – Et alors je le signe quand ce papier pour pouvoir accélérer cette fameuse procédure de récupération de scellés ?

– Non, mais écoutez ce n’est pas grave, et puis on ne vous a jamais dit que c’était pour récupérer vos scellés. Cette décision ne nous appartient pas. On avait juste quelques questions à vous poser. »

Et ça, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, de moments où l’on ressent cet abus de pouvoir de l’état et de ses réprésentant.es. Et ce genre de comportements sont récurrents envers celles et ceux qui militent de manière général.

Stationnement jugé dangereux : 4 points en moins et 135€ d’amende. Idem pour un stop soit disant « coulé ». Mais comment prouver le contraire ?

Aussi, en 2016, à l’aéroport, on m’a fait attendre 1h30 dans une sorte de cabine, soit disant que mon passeport signalait qu’il y avait « des informations à vérifier », sans avoir à la fin d’excuse ou d’explication. A quoi s’ajoute les contrôles d’identité, à pied, en voiture, en vélo.

Tous ces actes sont clairement pour moi des tentatives de destruction de nos envies de questionner le monde qui nous entoure.

Alors, c’est en partie grâce aux récits lus, à ceux écoutés et partagés, que je continue de construire une force intérieure qui me souffle qu’il est fichtrement bon de continuer à s’opposer au nucléaire.

Michèle