Sommé de décliner son identité et de livrer son ADN,
le blog « Nous sommes tou.tes des malfaiteurs »
se présente à ses lecteurs.
Nous sommes tou-tes des malfaiteurs
c’est un cri
un blog, un mail,
une liste de diffusion,
un collectif informel,
une force de proposition…
« Nous sommes tou-tes des malfaiteurs » est un slogan. Un cri du coeur qui a jailli après les perquisitions et garde-à-vues subies par des camarades de Bure le 20 juin 2018.
Dans une certaine mesure, c’était un constat glaçant : si vraiment des opposant.es, associatifs ou non, des avocat.es, des maraîcher.es, des étudiant.es, des profs etc. pouvaient se trouver accusé.es d’être une « association de malfaiteurs » (c’est-à-dire rien de moins que de préparer des crimes ou des délits en bande organisée!), alors nous pouvions tous et toutes être visé.es : ZAD, Bure, luttes migratoires, quartiers populaires, mouvement social, luttes lycéennes et étudiantes, antifascistes, syndicalistes et maintenant gilets jaunes… Tou.tes malfaiteurs et criminel.les aux yeux de l’État : est-ce là l’avenir (ir)radieux qui nous est promis ?
Mais le constat glaçant s’est vite retourné en une force collective. Alors oui, soit ! Si c’est ainsi, nous sommes tous et toutes des malfaiteurs. Pas seulement 5, 7 ou 10 militant.es, mais des centaines et des milliers de personnes.
Il faut retourner l’absurdité de l’accusation contre elle-même. Car, dans un régime de plus en plus autoritaire, tou.tes coupables ou tou.tes innocent.es, quelle différence ? Oui, nous sommes un peuple de malfaiteurs qui dansent.
Après l’insurrection du 17 juin,
Le secrétaire de l’Union des Écrivains
Fit distribuer des tracts dans la Stalinallée.
Le peuple, y lisait-on, a par sa faute
Perdu la confiance du gouvernement
Et ce n’est qu’en redoublant d’efforts
Qu’il peut la regagner.
Ne serait-il pas
Plus simple alors pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d’en élire un autre ?
— Berthold Brecht, La Solution, 1953.
« Nous sommes tou.tes des malfaiteurs » est un blog, une adresse riseup et une liste de diffusion. C’est ni plus ni moins qu’un ensemble d’outils pour faire parler de ce qui s’est passé à Bure, déconstruire le délit d’ « association de malfaiteurs », et participer à prévenir la contagion de cet outil répressif vers d’autres luttes.
L’enquête menée à Bure risque en effet de durer longtemps. Il y aura des phases de visibilité, à l’occasion de telle ou telle tribune, manif, procès ou perquisition ; et il y aura des phases de latence et de silence, peut-être longues. Entre les deux, il nous faut maintenir le fil d’une histoire, d’un récit partagé et partageable, d’une conscience politique commune de ce qui se joue.
Car sur des mois voire des années, le risque est grand de voir paraître un effet d’éclatement, une parfaite inintelligibilité de cette enquête d’instruction sordide, disloquée entre des rassemblements ponctuels, des tribunes épisodiques, des articles dispatchés en pointillés dans la presse mainstream, dans la presse alternative, dans les Medias libres, ou dans l’automedia de Bure (stopcigeo-bure.eu, bureburebure.info…). Nous ne prétendons remplacer aucun de ces aspects, car c’est bien tout cela que nous voudrions agréger pour le garder à portée de vue et à portée de main.
« Nous sommes tou.tes des malfaiteurs » est une archive au présent. Un outil pour comprendre ce qui se joue à Bure, et agir en conséquence.
« Nous sommes tou.tes des malfaiteurs » est un collectif informel. Dans l’article inaugural de ce blog, nous nous reconnaissions comme « des ami.es proches ou lointain.es de Bure ». Des compagnes et compagnons de routes, impliqué.es à un moment ou un autre et avec plus ou moins d’intensité, au cours des dernières années, dans la lutte contre Cigéo. Quoi qu’il arrive, nous sommes viscéralement attaché.es au sud-Meuse, lié.es à ce bout de campagne par des solidarités indéfectibles, des amitiés magnifiques, des souvenirs hors du commun, bons ou mauvais… et surtout tenu.es aux tripes par la révolte de savoir sept personnes, que pour la plupart nous connaissons, mises en examen dans une instruction scandaleuse.
Comme une sorte de « composante de la lutte », mais en plus lointain…
Une sorte de « comité de soutien », mais en plus proche…
Une sorte de « collectif antirep », mais pas que…
Bref, nous sommes des ami.es de Bure.
« Nous sommes tou.tes des malfaiteurs » est une force de proposition. Une volonté enragée de retrouver l’initiative, de ne pas se laisser faire, de ne pas laisser les ami.es seul.es. Une envie dévorante de trouver des complices avec qui danser et rire pour sortir de la peur et affirmer que nous ne serons pas les prochain.es sur la liste.
Nous appelons à organiser des bals pour faire parler de Bure et soutenir financièrement la lutte contre la répression.
Nous contribuons à l’élaboration d’une pensée critique sur l’ « association de malfaiteurs ». Nous participons de toutes nos forces à sa dénonciation, par tous les moyens possibles (articles, tribunes, pétition, fêtes, manifestation, action directe…).
S’ils et elles le désirent, en relayant leur parole, nous prêterons notre voix aux mis.es en examen que les contrôles judiciaires, en leur interdisant de communiquer, tentent de museler.
À Bure et ailleurs, là où le bruit des bottes et le poids des dossiers pénaux cherchent à propager tristesse et repli, nous cherchons la joie et la force collective.
« Nous sommes tou.tes des malfaiteurs » foisonne comme un tableau de Bruegel.