Comme une chape de béton qui me tombe dessus

Je vais commencer par le commencement !

Je suis une des personnes qui a été inculpée dans cette association de malfaiteurs qui touche la lutte à Bure. Lorsque j’étais « mis.e en examen », j’étais déjà ncarcéré.e, pour des faits similaires, des fumigène à la prison de Fleury Merogis. On est venu me chercher un matin, en m’expliquant que j’avais un procès, chose que je ne  comprenais pas au départ, car mon procès était déjà fini : je purgeais déjà une peine, j’étais censé.e sortir au mois de septembre, et là, on vient me voir pour me dire : « tu as un procès. »

Je descends dans les geolles, imaginez-vous une celulle d’environ  1.50m de large sur 2m de long et trois quart d’heures après,on me dit : « Va falloir que tu attendes les enquêteurs. » Les enquêteurs… Comment ça ? Je comprends pas, y’a une demie heure – trois quart d’heure, on me dit que c’est un procès, et là on me parle des enquêteurs. Je demande à voir mon avocat au téléphone, on me dit « plus tard, tu verras avec les enquêteurs. » Les enquêteurs arrivent, ils me disent que je suis en garde a vue pour les faits de détention et transport de produit explosif incendiaire suite à des manifestations qui sont passées sur Bure et ses alentours. Là, je comprends pas.. Du coup, ce qui se passe, c’est que je demande à voir mon avocat, Etienne Ambroselli ; on me dit : « Tu verras ca quand tu seras au commissariat de Fleury Merogis. »

D’accord, j’arrive au commissariat de Fleury Merogis,les gengens tout fier avait apportais un petit cadeau a leur collègues, des madeleines de Comercy je demande mon avocat, et on me dit : « Non, c’est pas possible, il est en garde a vue pour la même affaire. » Et là c’est un gros choque, je comprends pas ce qui se passe. Je re-demande à avoir une autre avocate, je la nomme, et on me dit qu’elle ne peut pas se déplacer, et que j’aurai droit à une conversation privée avec elle quand je serai arrivée à la gendarmerie de Revigny-sur-Ornain, tout en sachant que cette appel ce ferais avec le portable de service du gengens a qu’elle moment c’est privée .

Arrivé là-haut, l’enquêteur téléphone au juge Le Fur, qui lui, m’interdit de contacter mon avocate, de peur que je lui dévoile certaines choses concernant le dossier. Ils m’ont empêché de contacter Alice Becker, et elle ne pouvant se déplacer, les enquêteurs mon proposé.e un.e commis.e d’office, chose que j’ai refusé.e : j’ai déjà du mal a faire confiance aux avocats et avocates… il y’en a quelques un.e.s, je sais tout le travail qu’ils et elles font, j’ai donc decide de m’en passé.e. Du coup, j’ai fait toute ma garde à vue, à peu près trois jours, sans avocat.

La garde à vue, a étais compliquée, surtout que je n’avais pas dormi de la nuit, j’étais fatigué.e, pour la petite histoire j’avais prit une trace de speed avec mon codet, quel idée, vous me dite pour quoi?J’en ces rien l’ocaz c’était présentée ont étais tellement a font que l’on avais fait une tonne de crêpe je me suis même dit « aller c’est le fête des que la matonnerie ouvre la cellule à  7h pour voir si ont est toujours vivant je lui offre une crêpe», j’ai bien failli la lui coller dans la tronche.

Les gengens ont bien vue ma gueule et mon conseillé de dormir dans  la voiture qu’ il y allais avoir 2h30 de route, a sa je leurs ais répondu que sa faisais plus de 6 mois que je n’avais pas vue l’extérieure alors je me forcerais a resté éveillé.e que j’aurais tout le temps de ma gav pour dormir.

Des questions, des questions toujours des questions ba c’est le but!
J’ai répondu à certaines questions qui étaient totalement banales,  dans le genre : « Connaissez vous la Maison de Résistance ? » Bah oui, j’y habite… « Quel est votre rôle ? » … Je fais à manger je travaille le jardin, je fais beaucoup de ménage. Lorsqu’on m’a signifié, lors de ma gav, qu’il y avait une perquisition à la Maison de Résistance en septembre 2017, que les enquêteurs ont retrouvé un sac a dos, dans lequel se trouvaient différentes bouteilles pouvant rentrer dans la composition de produit explosif et incendiaire, et que sur l’une de ces bouteilles il y avait mon ADN, ce qu’il s’est passé, c’est l’une des seules preuves ainsi que des papier a mon nom (dont je n’arrivait pas a savoir a qu’elle moment ils avais atterri dans ce sac) qu’ils avaient pour m’inculper, et oui effectivement, cette bouteille si vous avez trouvé mon ADN dessus c’est certainement que je l’avais touché, c’était même pas une bouteille mais un simple bouchon. Il faut savoir que dans cette maison, tout le monde touche à tout, et moi je fais à manger, je fais le ménage, on peut être 5 ou 500 a la Maison, et 500 personnes ça engrange énormément de bordel.

A la fin de ma garde à vue je passe devant le juge d’instruction Kevin
Le Fur, qui m’inculpe de « détention en bande organisée de substance ou produit incendiaire ou explosif pour préparer une destruction, dégradation ou atteinte aux personnes ». Il me semble ensuite que j’ai vu la juge des libertés, mais c’est un peu flou, car j’étais complètement vanné.e. Elle m’a alors signifié mon  contrôle judiciaire en m’explique que je vais être interdit.e de Meuse et Haute-Marne interdit.e d’entré.e en contacte avec les inculpé.es, de sortir du territoire Francais, obligation de pointer de trouver un travail, un logement stable (sa je l’avait déja),obligation de voir une spip tout les mois. Et là c’est une chape de béton qui me tombe  dessus.

On m’interdit de vivre à l’endroit où j’ai envie de vivre, à la Maison
de Résistance, et c’est même pas la Maison, c’est la Meuse quoi.Moi qui ai un rapport tellement fort à ce département, cette région qu’est la Meuse, que c’était impossible pour moi de me dire, du jour au lendemain, que quand je sortirais de prison (car j’étais à trois mois de ma sortie, ça se passait au mois de juin 2018 : septembre 2018 je sortais de prison en plus de sa j’avais une mise a l’épreuve de 2 ans avec différantes obligations et interdictions), on me dit : « non, en septembre, tu as un contrôle judiciaire, et tu ne peux pas rentrer chez toi, tu ne peux pas voir les personnes avec lesquelles tu as vécu énormément de choses ». C’est comme si…Non on vient t’arrachait du jour au lendemain aux personnes que tu aimes.

Sur le coup c’était incompréhensible. Et oui, c’était plus fort que moi hein, je pouvais pas, déjà d’une car la justice en soi ne représente rien à mes yeux : si je peux pas me juger moi même, personne ne peut me juger. Et à partir de là… y’a des risques, je les connais, je les prends, simplement car la justice ne peut pas m’interdire l’endroit où j’ai envie de vivre, avec les personnes avec lesquelles j’ai envie de vivre. Donc j’ai pris le risque de me soustraire à ce contrôle judiciaire, chose que je ne regrette pas.

Après ma sortie en septembre, je retourne à la maison j’ai enfin pu me raser et faire ma vaisselle (ca c’est une autre histoire). J’ai eu un procès pour un vol d’une paire de chaussette et de lunettes de soleil au Décathlon de Bar-le-Duc… c’était assez folklo. Et petite anecdote derrière ça : à cette époque j’étais chez des amis, pas en Meuse et ni en Haute Marne, j’étais en Moselle. Et 7h30 du matin, y’a le copain qui me réveille et me dit « ouais y’a une perquisition à la Maison de Résistance, les gendarmes pensent que tu étais à la maison ». « Bah non non je suis là » « Oui oui t’es là, je te confirme, on a fait la fête hier, tu t’es réveillé ce matin, oui t’es bien là. ».

Ils ont quand même débarqués en nombre, dans mon souvenir, il devait y avoir 5 – 6 personnes à la Maison, et quand les gendarmes disent « il est ou Kévin ? » Les copaines, mortes de rire, disent « Ielle est pas là ».
Le lendemain, j’ai mon procès, je vois mon avocat, hors de lui, qui rentre dans le bureau de Le Fur, en rage : « C’est quoi votre délire, vous défoncez une porte alors qu’elle est ouverte ? Vous savez très bien que cette porte de la Maison de Résistance c’est une porte qui est toujours ouverte. » Et le juge explique qu’on a une preuve formelle que j’y étais, qu’on m’a pris.e en photos sur le perron de la Maison de Résistance quelques jours avant mon procès. Ce qui est encore plus fou là-dedans, c’est que quand je me suis fait choppé.e en novembre 2017, suite à mon inculpation à Paris je devais aller me raser et laver de la vaisselle à la maison ; j’étais en vélo, j’ai étais arreté.e, on m’a transféré depuis Bure à Fleury Mérogis : et j’ai décidé.e que je ne me raserai plus la barbe avant de pouvoir rentrer à la maison, avec ma vaisselle qui était dans ma fouille. En prison d’ailleurs ils ont pété un câble parce que j’avais un sac énorme qui ne rentrait pas dans leur case de fouille. Alors quand mon avocat est sorti du bureau, il m’a dit : « Non mais t’inquiètes, ils ont merdé là, ils ont fait de la merde, on va pas laisser faire, et j’ai une photo ». Il me la montre : le type avait une capuche, et imberbe, pas un poil sur le caillou ! Moi, j’avais une barbe énorme, ça faisait un an et demi que je me la laissais pousser ! Et j’avais une mono dread dans celle ci. Donc bah non, c’est pas moi, non. Et le procès Décathlon se fait, et… c’est qui qui est juge de mon procès ? C’est Le Fur : gros conflit d’intérêt [car c’est lui qui dirige l’instruction pour association de malfaiteurs]. J’ai eu du sursis et 150 euros d’amande. Voilà, c’est juste pour la petite histoire qui montre que la justice fait de la merde.

Je vais revenir sur le pourquoi je me suis soustrait.e [à mon contrôle
judiciaire] : pour moi la justice n’est pas a même de juger les personnes. Pour moi, tous mes actes sont réfléchis et politique, et en aucun cas une personne peut me juger sur mes actes, surtout quand  on défend une forêt quoi, surtout quand on se bat contre un projet complètement démesuré, où est la justice quoi ? À quel moment on décide de saper une lutte écologiste aussi importante que ça, faire peur à des personnes, interdire à des personnes qui ont vraiment une envie de lutter contre un projet qui est mortifère. Je suis désolé, enfouir des déchets radioactifs pendant des centaines de milliers d’années tout en sachant que 100 ans en arrière c’était des bombes au gaz et autre munition qu’on explosait sur cette terre et enfouissait sur cette même terre… ça a pollué pendant des années les sols. À croire qu’on a tout oublié du passé ; on refait la même erreur, tout en se disant « on a la technologie pour, on peut le faire » ; de mon point de vue, c’est pas possible de vivre ainsi.

Je retourne à la maison, quoiqu’il en coûte. Je suis revenue vivre à la maison comme si de rien n’était, quelques mois après, sauf que tout avait changé. Surtout… la peur des contrôles. Je regrette rien, sauf que j’étais en total parano, ça se voyait peut-être pas, mais tout le temps, j’avais peur de regarder derrière moi ; mes déplacements, je me déplaçais plus en dehors de la maison, sauf en pleine nuit ou à pied. En fait j’avais l’impression… C’est pas un regret hein, en aucun cas je regrette de m’être mis moi-même cette pression vis a vis de la répression, c’était totalement réfléchis ; simplement, j’étais comme assigné à domicile, je pouvais plus rien faire. J’ai plusieurs fois expliqué que pour ma part, c’est crucial de lutter contre ce projet, et de préserver cette terre qu’est la Meuse et la Haute Marne ; pour moi, le plus important, c’est pas de lutter contre un projet ; enfin, on ce doit de le faire de le faire, mais ma priorité personnelle, c’est d’habiter ce territoire. Je connais la Meuse depuis l’age de 10 ans ; à 10 ans, on m’a expliqué ce que c’était le nucléaire, et qu’il y allais avoir un projet de laboratoire de recherche ; et à l’époque, je savais pas ce que c’était. J’ai découvert la Meuse mais je ne suis pas allé directement à Bure ; je l’ai visité, j’ai vu ce que c’était, et j’ai surtout appris ce qui s’était passé pendant la première Guerre Mondiale, et tout ce qui en a découlé. Et pour moi, c’est une terre qui a tellement été meurtrie, que j’ai eu envie d’y habiter et d’y faire des choses, pas simplement lutter. C’est plus de vivre en Meuse que de lutter.

Donc malgré ma parano, je suis aux anges… c’est assez paradoxal mais  : je suis à la maison, je suis chez moi, je fais vivre cette maison, et a mes yeux c’est ce qui était le plus important. C’était même pas de faire des balades dans le bois Le Juc ou ne serait ce qu’aller me promener à Montiers, Biencourt ; non, je voulais simplement participer à la vie collective de la maison et me rendre utile, créer des choses, continuer de créer la lutte, la vie ; pour moi, c’est juste ce que je voulais,c’est tout.
Tout en sachant que oui, plusieurs personnes me disaient : « mais qu’est-ce que tu fous là, tu risques gros. » Oui je le sais je l’avais accepté.e. Du coup c’était un peu compliqué de les rassurer alors que je savais, et dans ma tête c’était clair et net que j’allais me faire choppé.e un jour ou l’autre, j’y avais déjà réfléchis. Parce que lorsque j’étais sortie de garde à vue et que j’avais vu Le fur, et qu’on me l’avait expliqué, c’était déjà clair. Lorsque j’étais dans la voiture du retour et qu’on m’a emmené en prison, j’avais déjà pris cette décision que je retournerai à la maison, quoiqu’il en coûte.

Une instruction d’association de malfaiteurs en bande organisée, c’est lourd, ça prend des années, on l’a bien vu ; là, ça fait plus de trois ans ; là, les contrôles judiciaires sont enfin levés… partiellement, et pas pour tout le monde : je suis encore bloqué obligé.e de signé.e a plus de 500km de l’endroit ou je veut vivre parce que la justice a peur que je me re-substitue…
Je me suis fait attraper en approchant du bois Le Juc, lors de la troisième réoccupation. Un appel avait été lancé sur internet. Il y a eu des centaines de gendarmes mobiles qui ont débarqué dans la forêt. On était à la maison, c’était le 14 juin 2020,ce jour la je devais pas être là normalement je devais être partis a un festival, et ce qu’il s’est passé, c’est que je voulais juste être là pour voir comment les choses allait tourner, et de toutes façons je pouvais pas partir y’avait trop de flics. Plusieurs personnes sont allé voir ce qu’il se passait au bois, et j’ai fait la connerie, je les ait accompagnées. On a fait 200m dans les champs, une voiture s’est arrêtée sur la route, elle nous a bloquée le passage, on est repartit à la maison et on s’est fait nasser bêtement. Le blé était très haut, on repartait vers la maison, et à 30m, d’un coup, on voit une barricade de gendarmes qui se lève du blé et ferme la maison. On essaye de passer sur la route, sauf que y’avait une voiture, deux copaines se sont enfuies, et moi et un copain on s’est fait choppé.e. Et là, on nous agresse, plaquage, j’avais une trace sur la tempe, une luxation à l’épaule. Ils ne savaient pas encore qui j’étais. Puis garde a vue à Vaucouleurs, les gendarmes de me demandent mon identité, je refuse, pendant plusieurs heures je reste en garde a vue, le lendemain le copain sort, ils me gardent, audition, ils redemandent mon identité, me demande ce que je fais la, et ils me sortent un papier et me disent qu’ils savent qui je suis et pourquoi je suis là. Bon bah voilà, ils ont le trombinoscope, ils ont fait des recherches, je savais que j’en sortirai pas.

Après la gav, ils m’emmènent voir la juge des libertés. Je vois une avocate qui s’est pas présentée. Je pensais que c’était une magistrate, mais non. Elle me fait la morale : « oui monsieur alors voilà, vous n’avez pas respecté votre contrôle judiciaire » ; sur le coup je ne savais pas qui c’était, alors je parle pas, j’écoute juste son monologue merdique, j’avais l’impression qu’elle parlait à un gosse qui avait fait une connerie et que j’allais être puni. Et quand je passe devant la juge des libertés, je vois qu’elle est en robe noire et là je fais « merde alors ». Et elle me défend pas, elle m’enfonce, vraiment, elle m’a enfoncée, en m’expliquant qu’elle pouvait pas me défendre au vu de mon pédigré qu’elle pouvait rien faire pour moi, ne serait-ce qu’appeler mon avocate, que j’allais être déféré à la prison de Nancy-Maxéville. C’était fou. Le transfert entre Vaucouleurs et Bar le Duc, j’ai les menottes derrière, j’ai un gendarme à gauche et à droite, avec un flingue planté sur mes cotes. Ça, c’était hallucinant. J’arrive en prison, on me dit que je vais être en détention provisoire pour ne pas avoir respecté mon contrôle judiciaire. Et là, je découvre Nancy, prison moderne, toute jeune, qui a 10 ans, la prison la plus pure dans laquelle j’ai vécu, tellement aseptisée comparé à Fleury où on avait des rats, ça caillait dans les cellules. Je débarque à Nancy, on passe je ne sais pas combien de portiques de sécurité pour arriver dans la cellule des arrivants, et c’est assez fou… À ce moment là, je me rends compte :
c’est bon, je suis partie pour combien d’année ? J’en sais rien, minimum un an, avant de pouvoir potentiellement faire une demande de sortie  de prison pour un futur contrôle judiciaire… Et ça, j’y croyais pas de sortir sous contrôle judiciaire, j’ai vu mon avocate peu de temps après, elle m’a dit qu’on allait faire des demandes mais que c’était pas gagné.

La matonnerie à Nancy, c’est complètement zélé, c’est de la provoc sur provoc ; en plus je suis une personne antinuk anarchiste antispé  végan et non binaire. La chef du quartier arrivant m’a demandé « c’est quoi vos revendications ? » ; je lu ai expliqué, et donc que ce ne serait pas possible pour moi d’être en cellule avec une personne  homophobe carné etc. Elle m’a dit que ça allait être compliqué et qu’elle me mettrait seul.le dans une cellule, j’y ai passé un mois et dix jours ; tout en sachant que normalement on reste entre 10 jours et 15 au quartier arrivant. Du coup j’imagine qu’iels n’ont pas trouvé de case… moi ça m’allait, je préfère être seul, j’ai déjà vécu en prison et la cohabitation c’est compliqué.J ’y suis restré.e 7 mois avant de sortir 3 semaines avant le premier confinement.

Pendant que j’étais à la Maison les dernières mois avant de ne faire prendre: il y avait un grand cabaret d’organisé les copaines de la Maison me disent qu’ieles veulent aller pour participer aux derniers ateliers, et que si je le voulais, il y avait de la place dans la voiture. Je leur dis que non ; pour différentes raisons, l’une des principales étant qu’il n’y aurait plus personne à la Maison, ne serait-ce que pour accueuillir de nouvelles personnes. Mais je leur demande de venir me chercher lorsque le cabaret commencera, c’est à dire à la tombée de la nuit.

J’ai passé mon après-midi à travailler sur un nouveau texte pour le zirap, et ma soirée à regarder des séries dans la salle informatique.

-Vers 22h30-23h j’entends la porte d’entrée s’ouvrir. je me dis : « ça y est, enfin, on y va ! Ielles ont prit leur temps ». Je sors de la salle pour aller à leur rencontre, et je vois dans l’obscurité des pièces trois torches éblouissantes, et je distingue formellement des uniformes militaires. N’en croyant pas mes yeux, je leur cris «bordel, mais qu’est-ce que vous foutez là ! C’est privé, cassez-vous d’ici ! » . J’aurais bien appelé les flics, mais en l’occurrence, ils étaient déjà là lol. Tout en se rapprochant, ils me disent « hey monsieur, ne bougez pas !». A ces mots, je claque la porte pour me diriger vers la fenêtre qui par chance était ouverte. Je saute à l’extérieur, je me retourne et je revois les torches. Dans la panique, je prends la direction de l’atelier, pour me rendre compte que j’ai fais une erreur. Je suis coincé.e. Je monte à l’échelle qui accède à la mezza pour aller me planquer derrière une malle. je me recouvre d’une bâche ou je ne sais quoi, pour ne plus y bouger (bien plus tard je me suis aperçu.e que c’était la malle des costumes d’un futur film tourné à Bure et ses alentours).
Quelques secondes plus tard, j’entends les bidass qui, avec une voix grave et joyeuse (oui ; c’est le terme) me disent qu’ils savent que je suis là, que ça ne sert à rien de me cacher. Ils font des commentaires sur le fait qu’il y a du bordel , à se dire « tiens, ce moteur me plaît, je le prendrais bien », ou de faire gaffe à différents objets pouvant être des armes lorsqu’ils reviendraient si jamais il y a une future perquiz’ (j’avais envie de leur répondre que dans un atelier, des armes par destination, il y en partout).
Au bout de 5 ou 7min, moi, ne voyant rien, eux ne me trouvant pas, j’entends le son des pas montant l’échelle. Restant planqué,  recroquevillé sur moi-même, complètement angoissé, je me dis que je n’ai aucune solution de repli, que c’en était fini. Bizarrement, il n’est pas monté sur la mezza, il a dû simplement jeter un coup d’œil. Ils ont dû rester 5min de plus, et sont sortis tout en continuant à
discuter.

– 20min plus tard je les retrouve, du moins les ré-entends, et bien fort, pour me signaler leur présence. Cette fois ci, dans le sleeping, ils testaient différents matelas, et toujours à faire des commentaires de merde, du style : « ce matelas est confortable, je dormirai bien dedans cette nuit » « cette couverture ; elle pue, ils ont pas de femmes pour nettoyer ». Après plus d’un quart d’heure à entendre  leurs pas faire des allers retours dans la pièce, ils sont sortis, et je ne les aies plus entendu parler.
Mais il y avait comme des bruit de fond, signe qu’ils étaient encore là, jusqu’a entendre le moteur de la jeep s’allumer du côté de l’église, descendre la rue tout doucement. Ils ont dû mettre 1min à faire le tour, le bruit s’éloignant pour n’entendre que le silence.

-J’ai du rester planqué 20 bonnes min, à paranoyer, sans savoir s’ils étaient bien partis ou non. M‘attendaient-ils dehors ? Je me disais que je ferais eut-être mieux de rester a ne pas bouger jusqu’ à l’aube .Je suis descendu, tout en faisant attention, car j’étais peut-être tout.e seul.le. Mais la peur, elle, était toujours là…

-Au final, les bidass sont restés plus d’1h30 dans la maison, violant l’intimité des copaines vivant sur place, se permettant sûrement tout en leur absence. Pendant le temps qu’ils étaient là, je les ai imaginé se faire un café, à manger, fouiller les moindres recoins de chaque pièce, emportant avec eux ce qu’ils veulent…
En faisant le tour des pièces, je m’aperçois qu’à première vue, rien n’avait disparu. Ça avait l’air en ordre, je me suis même surpris.e à blaguer sur le fait qu’ils avaient dû passer tant de temps en ces lieux qu’ils n’ont pas penser à faire du rangement, ou la vaisselle qui déborde ; au lieu de dire que c’est uniquement réservé aux femmes .
J’ai du tourner en rond pendant une bonne demi-heure, avant de me sentir soulagé.e de tout ce stress et cette angoisse, que je venais de subir. Je décide de laisser un petit mot sur la table de la cuisine, et exténué.e, je pars me coucher. Ce n’est qu’une heure plus tard que les copaines reviendront en criant mon prénom dans toute la maison.

Que ce qu’ils ont dans leur tête ? Rien, ils ont vu qu’il se passait des choses au cabaret, qu’il y avait du monde, et qu’à la Maison c’était le calme plat. Pas de véhicule garé, toutes les lumières éteintes. Pour ma part, lorsque nous sommes peu nombreux.ses, je laisse la cuisine allumée la nuit, pour montre une présence. Est-ce dissuasif, je ne penses pas, car s’ils veulent rentrer, ils le font. A croire que pour eux, ce sont des vacances. Faire la visite des différents lieux, voir à quoi ressemble l’habitat naturel des opposant.tes anti CIGEO, à coup de véhicule de transport de troupes non bâchés, avec à son  bord une vingtaines de bidass en train de nous faire des coucou lorsqu’ils passaient devant les lieux de vie.

Je quittais la Meuse de temps en temps pour souffler un peu, et un  jour lorsque je me suis retrouvé dehors à marcher en ville et à croiser une voiture de flic j’en ai pleurer… ouah, ça fait tellement du bien, d’être libre ! J’ai mis beaucoup de temps à faire cette démarche de quitter la maison pour pouvoir respirer, évacuer tout ce stress permanent. Une fois que je sortais de là j’étais une personne inconnue.

Y’a tout un stress qui disparaît, je suis enfin moi-même, c’est comme une seconde vie en dehors de la maison. Je ne sortais pas les  poubelles cagoulé quoi.