Récit Répressif

Lorsque je pense à mon procès, ma première pensée va aux ami.e.s proches qui n’ont pas lâché quand j’étais au plus mal, au collectif au sein duquel j’ai pu être dans mon coin, m’isoler, mais en conservant la présence des autres, aux personnes qui ont supporté mes humeurs changeantes. J’ai envie de dire merci à tout ce monde qui m’a soutenu activement et parfois indirectement par leur seule présence.

Lors de la comparution immédiate, le cumul des 48 heures de garde-à-vue et du réquisitoire aggressif du procureur m’a blessé profondément. J’ai fini l’audience en larmes. J’étais ébranlé. Ensuite, pendant un mois, j’ai attendu l’audience du procès. Un mois à pointer deux fois par semaine. Un mois flou.

À partir de ce moment, j’ai eu des pensées noires. Envie de rien. La joie des autres m’agaçaient. Un mépris pour les autres. Mon corps réagissait également : mon estomac, le centre des mes émotions, avait de fortes aigreurs, il était noué, me donnant de grands coups de fatigue. J’ai pris des médicaments pour tenter de soigner mon corps, mais la maladie était surtout dans la tête. J’étais en dépression. J’ai mis un peu de temps à mettre ce mot dessus. Cet état était nouveau pour moi.

Je n’ai pas mémoire d’avoir eu peur du procès (à part la journée même de l’audience) étant convaincu que je n’irais pas en prison. J’étais assez stressé jusqu’au réquisitoire du procureur. Lorque je l’ai entendu jouer une carte opposée à celle de la comparution immédiate, j’ai compris que la peine n’impliquerait pas de la prison ferme. J’ai alors commencé à observer la scène que je vivais. Je regardais les peintures, les moulures, les personnes. Je profitais de mon procès. C’était devenu marrant. Le théâtre.

Dans l’instant immédiat après le procès, j’étais plutôt content. Je n’avais pris que 3 mois avec sursis, mais pas d’interdiction de territoire. Je redoutais cette interdiction de territoire car elle m’aurai empêcher de participer à un projet qui me tenait à coeur.

Par la suite, le sursis a grapillé de la place dans ma tête. Chaque jour, j’y pensais. Me demandant comment faire avec ça ? Que va changer dans ma vie cette peine ? Puis un jour, je me suis rendu compte que je n’avais pas pensé à mon sursis la veille. Petit à petit, cela a pris moins d’importance. Actuellement, j’en suis à trois ans de sursis effectué, il m’en reste deux à faire. Je n’y pense que très sporadiquement. Mais parfois ça peut me bloquer un peu dans mes actes. Ayant peur de me faire choper et que le sursis tombe.

Il m’arrive de me dire que cette arrestation n’aurait pas du arriver. C’était une situation naïve où je me suis fait avoir par distraction. Mais à la fois, ce moment m’a permis de saisir ce qu’est la justice, ce qu’est la répression. De renforcer mes convictions anticarcérales. D’être un meilleur soutien aux personnes ennuyées par la justice. De faire plus attention à la surveillance.

Je finirai en remerciant à nouveau les personnes qui ont été proches dans ces moments, et aussi la solidarité qu’il y a dans la lutte contre Cigéo face à la répression.

 

P.